Le jour de sa sortie, Z3phyr, Psychotikpoussin et moi sommes allés voir
La Désolation de Smaug. Nous étions mal organisés, et comme tous les gens mal organisés, nous avons raté la séance prévue. Mais nous avons eu ce dont les gens mal organisés ont le plus besoin: un smartphone, et nous avons trouvé un autre cinoche passant le film en VOSTFR et en 3D dans des délais raisonnables. Pour résumer, je dirai que la seule chose pire qu'un film long et un peu débile, c'est un film très long, un peu débile, et qui se prend au sérieux.
cliquez sur la miniature pour l'aggrandir
Point positif: le dragon est bien fait.
Points négatifs: à peu près tout le reste.
Niveau adaptation, c'est très moyen. C'est infidèle, ce qui ne me dérange pas tellement en soi, mais c'est infidèle pour de mauvaises raisons, et fidèle pour d'encore plus mauvaises. Je m'explique:
Le Hobbit est un roman de 300 pages qui transcrit les histoires que Tolkien racontait à ses enfants. Il s'agit d'un récit au style volontairement démodé, raconté comme une légende par un narrateur omniscient qui peut très bien faire des ellipses sans gêner sa narration. Mais quand on doit suivre les personnages en film, ça déconne. Le défi de Peter Jackson est donc le suivant: comment rythmer ce passage de 100 pages où les Nains vont, principalement, se paumer et passer du temps d'étape en étape dans leur voyage? Dans le roman, ils bénéficient de l'aide de Béorn, mais ne peuvent pas se présenter à 14 d'un coup. Du coup, ils se tapent l'incrust "à la Gandalf": arriver deux par deux séparés par 5 mins d'écart pendant que le premier arrivé baratine l'hôte avec un récit qui laisse peu à peu supposer que les copains arrivent, mais sans l'annoncer brutalement. Dans le film, ils squattent chez Beorn qui ne se contrôle pas quand il est en forme d'Ours, et qui manque de les bouffer. Gandalf leur annonce après que cet ours tueur géant est leur hôte (c'est mieux de leur dire après, une fois que les Nains lui ont refermé la porte dans le museau, et qu'ils ont faillit sortir les épées...)
Dans le livre, ils se perdent dans les bois corrompus pendant des jours, échappent aux araignées, puis poursuivent des Elfes dans le noir, qui ne veulent pas être poursuivis, avant d'être finalement fait prisonniers par ces elfes sylvains (qui sont très largement distingués des autres Elfes vivant dans les terres du Milieu, et notamment des Elfes de Fondcombes). Dans le film, ils se font piéger par les araignées, s'en sortent un peu par miracle (l'anneau unique permet de comprendre instantanément le langage des araignées corrompues quand on l'enfile... Sauf que Bilbo continue de les comprendre quand il retire l'anneau). Ils tombent sur Légolas, qui a popé dans l'intrigue sans raison... et qui a pris 10 ans depuis le Seigneur des Anneaux: ça se voit, et c'est moche (merci aux lentilles colorées ultra-voyantes et franchement grotesques qui lui font des yeux de chèvre).
Bref, Peter Jackson essaye de rendre le tout plus rythmé, tout en allongeant la sauce sur des détails (on découvre les débuts de Sauron dans une avalanche d'images kitschs sur l'oeil enflammé). Les Elfes sont tous idiots et prétentieux, sauf le seul personnage complètement inventé: l'Elfe Tauriel (la seule elfe qui va sauver un Nain empoisonné sans prendre d'anti-poison avec elle). Bon, oui elle est franchement cul-cul, mais l'actrice joue dans le ton, et j'ai trouvé le personnage attachant (en partie parce que l'actrice est sexy, et surtout parce qu'elle ne porte pas de lentilles colorées moches).
D'un point de vue cinématographique, c'est le festival du faux-raccord. Surtout à partir de l'évasion du royaume elfique, où les tonneaux dans la rivière apparaissent et disparaissent d'un plan à l'autre, changent de nombre, etc... 13 barils partent, on n'en voit plus que 6 au barrage, et 14 arrivent à destination, l'un d'eux ayant été détruit dans le voyage... Non, il n'y a pas que moi qui remarque ces détails: ces détails sont totalement appuyés et soulignés en gras par la nécessité de l'intrigue ("Oh mince, il n'y a que 13 barils Bilbo, vous allez devoir vous démerder!"), ce qui rend les faux-raccords encore plus choquants. Les armes orques prises dans la scène d'action disparaissent à la scène d'après, pour justifier la recherche d'armes par le groupe, etc... C'est juste fatigant.
Bref, l'intrigue est chiante, le livre est mieux, on s'en fout. Venons-en au fait: l'entrée dans Erebor et le Dragon.
D'une part, je trouve grotesque que Peter Jackson ait sous-entendu dès le début qu'il y avait bien un dragon vivant, et qu'on le savait. Je trouvais plus intéressante l'idée d'une course contre la montre, avec des Nains qui supposent que "bon, ça fait deux siècles que Smaug a défoncé Erebor, et une soixantaine d'années qu'il n'a pas montré son museau... si on calcule pifométriquement l'espérance de vie d'un dragon, ça doit faire un petit demi-siècle qu'il a cané, sauf si on a vraiment pas de bol. Allez, on tente le coup avant que d'autres petits malins ne s'aventurent dans la montagne!" D'accord, personne n'est dupe, on ne galère pas à faire des centaines de bornes et à combattre des araignées géantes pour aller trouver un gros trésor s'il n'y a pas un gros monstre devant, c'est la base! Le spectateur sait qu'il y aura un dragon à la fin, forcément. Mais que les personnages le sachent aussi, ça ruine la crédibilité de leur quête dès le début: ils savent que le dragon a bousillé l'armée de leur ancêtres, ils savent donc que 14 demi-portions n'ont pas une seule chance de survie s'il est encore là. Mais je m'égare: c'est un reproche à faire à la trilogie toute entière, et pas spécialement à cet épisode.
Venons-en à Smaug et Erebor. Déjà, nos héros cherchent en vain le rayon de lumière qui, en ce jour précis, doit éclairer la porte secrète en révélant ses contours. Pour être sûrs de ne pas la voir, ils prennent bien soin de s'aligner pour faire de l'ombre sur la porte (véridique). Et dès que le soleil se couche, tout le monde remballe... WTF??? "Aller, c'est trop tard de 30 secondes, on retente l'année prochaine! Tout le monde prend son sac à dos et on retourne chez mémé!" Dans le bouquin, ils campent devant l'entrée secrète pendant au moins deux jours. Je veux bien qu'on accélère le rythme du récit, mais là c'est du compactage.
Du coup, Bilbo se retrouve seul devant l'entrée secrète d'Erebor. Il trouve la serrure, éclairée par la lune et non par le soleil (fallait s'en douter, les runes sur la carte étaient déjà des runes lunaires les amis...) et appelle les Nains qui... se téléportent, je suppose, parce qu'ils rappliquent dans les cinq secondes alors qu'ils avaient déjà commencés à redescendre de la corniche et à se taper l'escalade depuis quelques minutes. J'ai cherche le mot "vraisemblance" dans le dictionnaire, il parait que son sens s'applique aussi à la fiction.
Bref, on envoie Bilbo dans les couloirs avec un "bonne chance, t'es un Hobbit, le dragon n'en a jamais vu, peut-être qu'il ne s'affolera pas en reniflant une odeur complètement inconnue dans sa tanière au trésor qu'il garde farouchement depuis plus de deux siècles!" Voilà pourquoi il fallait que Bilbo croie que Smaug est vraisemblablement mort. Parce qu'y aller en sachant pertinemment qu'il est encore là, c'est juste du suicide. Mais ça ne semble pas déranger le scénario de Peter Jackson, qui a donc fait un Bilbo un peu couillon.
Bilbo tombe sur Smaug, se rend compte à quel point il a l'air gros et méchant... Et c'est parti pour un dialogue relou. Pourquoi relou? Parce qu'il reprend le bouquin au mot près. Ce qui pourrait être pertinent si Bilbo parlait de façon très littéraire pendant le reste de la trilogie... Mais ça n'est pas le cas. Du coup, tout le dialogue sonne faux et... Le charisme du dragon sauve les apparences: on a envie d'y croire, il est doublé par une bonne voix.
S'en suit le pétage de plomb de Thorin qui... Prend 12pts de côté obscur d'un coup en menaçant Bilbo avec son épée pour qu'il lui file l'Arkenstone, alors qu'il n'a aucune raison de supposer que Bilbo l'a effectivement trouvée...
Et le dragon débarque! C'est le début d'un combat long et incohérent et d'un plan digne de Tom & Jerry pour recouvrir le dragon d'or liquide. Passons sur l'invraisemblance du plan, qui suppose que tout était prêt dans la ville laissée à l'abandon pour la réalisation d'une statue géante en or massif, et qu'il n'y avait plus qu'à allumer les fourneaux et enclencher un levier pour lui donner donner naissance... Passons sur les décors improbables et sur le moment où Thorin surfe sur une brouette dans une rigole pleine d'or en fusion (véridique, à nouveau...) Passons directement à la débilité profonde d'un plan qui consiste à répandre du métal en fusion sur un dragon à la peau incrustée d'or et de pierreries... Le feu est son élément. Et au cas où les Nains auraient un doute là-dessus, il y a au moins trois moments dans la scène d'action où le dragon répand des flammes qui lui enveloppent la tête et le cou, histoire que tout le monde comprennent bien que le feu ne le blesse pas. C'est un plagiat du dénouement d'Alien 3 dans la fonderie... A la différence que le plan d'Alien 3 supposait, avec raison, que le feu pouvait tuer un alien, et était donc mille fois plus intelligent.
Le dragon s'envole couvert d'or liquide, ce qui le brûle... une bonne dizaine de secondes avant qu'il ne s'envole et s'en débarrasse d'un petit coup d'ailes pour se lancer dans une imitation de Deathwing: "Je suis la destruction! Je suis la mort!"... Fin!
Dans l'ensemble, j'en pense la même chose que l'épisode un: ça réussit le prodige de présenter une intrigue accélérée et bien rythmée, d'une manière telle qu'elle parait longue et chiante, alors que l'intrigue saccadée et mollassonne de Tolkien ne l'est pas. Mais avec des grosses incohérences et des faux-raccords en plus. Question de style...
Nymphomaniac:
C'est, d'abord, un film pompeux (et ça n'est pas un jeu de mot faisant allusion à la scène de fellation dans le train).
Voici ma revue sur le film partiellement censuré de Lars Von Trier, qui présente le récit de vie d'une nymphomane légèrement dépressive, et qui s'ouvre sur du Rammstein.
C'est un film au rythme inutilement lent, qui fait des pauses dramatiques superflues et abuse de ces artifices qui donnent un air grandiloquent à des discours qui ne le sont pas. D'un point de vue personnel, j'apprécie qu'un film aux scènes de sexe non-simulées puisse passer dans les salles de notre pays aux moeurs coincées. Mais bon, même si
Nymhomaniac est infiniment mieux réalisé que
Baise-moi, il y a tout de même des fautes de style qui m'ennuient.
Vous êtes prévenus: le film est provocateur ET pompeux. Ce qui, lors d'une projection, donne des résultats amusants: les vieux se barrent pendant les scènes de cul, les jeunes pendant la scène d'explication de la théorie du solfège de Jean-Sébastien Bach.
A mon sens,
Nymphomaniac est un récit sous le forme de dialogue de sourd. Il s'agit de la conversation entre la nymphomane et un vieil homme qui déborde d'ennui et de culture livresque. Elle ne parle que de sexe, il n'en parle jamais. Elle lui raconte comment elle jouait à "qui baisera le plus d'inconnus dans le train?" avec son amie d'enfance quand elle était ado, et ça rappelle au vieil homme la théorie de la pêche à la mouche. Il lui explique le principe du contrepoint chez Bach, elle lui explique qu'elle recherchait la combinaison de ses trois meilleurs amants, qu'elle compare à une polyphonie. On peut continuer longtemps, et ce n'est que le premier volume.
Le film réussit malgré tout à faire rire, mais ne se départit pas de sa morgue pour traiter une histoire finalement assez légère. Au final, on sent le temps passer...